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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 12:42

 

 

 

L' infâme rédemption

 

par Alexandre Bensi

 

 

 

Ce matin, alors que je sors d'une longue maladie qui me cloua au lit durant près de deux mois, je trouve enfin la force de prendre un papier et une plume. Depuis bien des années, une sombre et triste histoire hante mes nuits, elle ne fut jamais contée, ni à ma femme, ni à mes frères. Je pensais avoir suffisamment de force pour garder cela au plus profond de mon coeur, mais non. Je suis certain, aujourd'hui, que c'est cette affreuse créature qui me donna cette épreuve, pour me forcer à cracher le morceau, à vider mon sac comme on dit dans certains endroits. Alors, voilà, je suis seul, mon épouse est sortie faire quelques courses, je ne dois recevoir aucune visite aujourd'hui. Je profite, par conséquent, de ce laps de temps pour écrire cette histoire.

Il y a bien longtemps, je devais travailler pour un vieil homme, fortuné, un homme sans coeur qui, selon certaines rumeurs, aurait empoisonné ses propres enfants parce qu'il ne les jugeait pas assez bons pour avoir l'héritage au moment venu. Bien entendu, ce sont des rumeurs, pour moi, ce n'est pas vrai, jamais je ne crus cette histoire. Cet homme avait pour nom monsieur de B..., il était veuf depuis bien quatre ans et avait ses trois enfants morts d'une espèce de tuberculose. Quand je devais entrer à son service, il venait d'enterrer ses enfants, et son personnel avait fui le manoir, troublé par les rumeurs d'assassinats.

Il fallait bien que je nourrisse ma famille, car ma femme venait de mettre au monde notre quatrième fils et je venais d'être renvoyé de la fabrique de bois. Durant ma jeunesse, j'avais servi comme groom et jardinier dans un beau palace de la côte. Alors,quand j'ai entendu parlé que cet homme cherchait quelqu'un pour s'occuper de lui, je me suis dit, pourquoi pas. D'ailleurs, personne ne voulait travailler pour lui, personne ne voulait donner de son temps pour un homme qui serait, peut-être, un infanticide. Soit, si je ne travaillais pas, c'est moi qui deviendrais l'infanticide et je condamnerai mes enfants à la faim. A choisir, mon parti était pris assez rapidement. Et donc, un matin, je me levais tôt, j'enfilais ce costume que je ne portais qu'aux grandes occasions, le noir avec une belle cravate de même couleur et en soie. Je pris soin de bien me peigner, je savais les hommes riches assez à cheval sur l'apparence, par conséquent, quand je sortis de la maisonnette, ma chère épouse avait bien cru que je partais pour un baptême ou bien un enterrement, selon l'humeur... Avant de quitter le jardin, mon petit paradis, comme j'aime à l'appeler, je tournais ma tête vers la fenêtre où ma femme me regardait, portant le petit dernier, le sourire aux lèvres, celui de l'encouragement. Je fis un léger geste de la main, non un adieu, mais bien celui qui veut dire: je reviens bientôt, avec de l'argent.

La route menant au manoir était encombrée de divers charrettes et de voitures provenant de grandes villes. La saison d'été venait de prendre fin et les touristes retournaient à la ville reprendre le cour de leur vie. Notre village, ainsi que notre région, allait retrouver le calme et la nature. Je savais où se trouvait la manoir, à plusieurs reprises, je pouvais le distinguer de la colline où ma femme et moi-même aimions pique-niquer. A vu de nez, une bonne heure de marche suffisait pour l'atteindre, si, bien entendu, l'envie me prenait de traverser le bois. Mais j'avais bien l'intention de me présenter face à cet homme avec un costume propre, alors, je pris le long chemin, qui devait me rallonger le parcours d'une bonne demi-heure. Nous étions au début de l'automne et les arbres commençaient à perdre leurs feuilles. Sur la route, elles s'éparpillaient. Tableau qui me plaisait bien, j'avais l'impression d'un tapis de feuilles face à moi. Bref, je marchais tranquillement, faisant bien attention de ne pas me mettre au milieu afin de ne pas trop salir mes souliers, quand j'arrivais, enfin, à la petite route qui mène au manoir. Bien que j'avais pris un bon déjeuner, mon ventre commençait à gargouiller, où était-ce le début d'une crainte ? Aujourd'hui encore, je me pose la question.

Il faut, cher ami lecteur, que je vous décrive cette route qui, dans la région, a reçu le doux surnom du Chemin des Crimes et des Bannis: elle entre furtivement dans les bois, mais s'en dégage assez vite, comme si elle refusait d'y entrer. La terre ne porte guère de traces de roues de voiture ni de chevaux, ce qui laissait à penser que notre cher futur employeur ne devait pas recevoir de nombreuses visites. A début de cette route, on pouvait voir une planche indiquant le chemin du manoir, mais elle pendait si bien qu'un simple coup de vent l'aurait fait tomber par terre. En résumé, il n'y avait rien détonnant à ce que les habitants de la région se laissaient aller à quelques rumeurs malsaines à l'encontre du maître des lieux.

Au moment où je pris le chemin, mon regard fut surpris d'apercevoir un homme assis sur le bas côté, portant un manteau sombre, et s'aidant, visiblement, d'un grand bâton de bois à la forme plus qu'inquiétante. Une capuche lui couvrait le visage. Jamais je ne vis un tel homme dans les parages, peut-être était-il un simple voyageur, un vagabond comme le pays peut en compter des centaines. Néanmoins, j'avais une légère crainte car les hommes de cette trempe ne sont pas vraiment bien vus ici. Alors, épris de prudence, je marchais en m'écartant bien du bonhomme. De toute manière, je n'avais pas d'argent sur moi, même s'il tentait de me braquer, je ne pourrais rien lui donner, sauf mes souliers... J'espérais qu'il n'avait pas l'oeil aiguisé pour voir ce genre de chose. Mais alors que je venais de le dépasser, je me rendis compte qu'il ne branchait nullement, comme s'il ne m'avait point entendu. Etait-il sourd ? Question dont je ne voulais vraiment pas connaître la réponse, alors je continuais mon chemin. C'est alors que ce monsieur prit la parole et m'appela.

- Gentil monsieur, dit-il d'une voix aiguë et bien étrange.

- Oui ? fis-je en ayant le visage étonné.

- Vous comptez aller voir monsieur de B... ?

- Ma foi oui, monsieur. J'ai rendez-vous.

- Rendez-vous ? dit-il, en ayant toujours le visage masqué par la capuche noire, eh bien, je ne vais pas vous retarder plus longtemps à ce précieux rendez-vous, mais sachez une chose, mon brave, le vieil homme qui va vous accueillir sera bien malade. Ne le tourmentez pas, ne le blessez pas, il faut qu'il reste vivant, vous comprenez ?

- Qui êtes-vous ?

- Allez à votre rendez-vous, mon cher, répondit l'homme.

Je n'avais nul désir de continuer la discussion avec lui et je repris mon chemin. Etrangement, plus j'avançais, plus j'avais l'impression qu'il me suivait. Mais comment serait-il possible ? Avec son bâton, je l'aurais entendu, mais la peur était si grande que je ne voulais regarder derrière moi. Finalement, les grilles du manoir se présentaient dans toute leur élégante horreur. Cela faisait longtemps que le propriétaire n'avait eu l'envie de voir ces grilles entretenues. Elle donnait l'image de la mort et de l'abandon. Pendant quelques secondes, je me demandais si j'avais eu une bonne idée de venir proposer mes services. C'est vrai, à vrai dire, c'était la facilité qui me poussait à me présenter, la région possédait de nombreuses opportunités de travail. Mais maintenant que j'étais là, autant aller jusqu'au bout de l'aventure. Et je me voyais mal rentrer à la maison et mentir à ma femme. Alors, je pris mon courage à deux mains, et je décidais de pousser les grilles pour entrer dans le vaste domaine. Les grilles, légèrement rouillées, faisaient un bruit curieux en les poussant, et plus d'un aurait rebroussé chemin. Au sommet de ces grilles, se trouvait une belle sculpture représentant deux chevaux semblant s'affronter.

Le chemin menant au manoir est tortueux, sur les côtés, les jardins n'avaient pas connu de jardiniers depuis longtemps. Mon oeil expert ne pouvait faire défaut. Mais voilà le manoir de monsieur de B... Quel bâtiment s'offre à mes yeux ! Les ténèbres n'auraient pas choisi meilleur logis. Mes yeux ne pouvaient croire cela, jamais, du haut de la colline dominant la vallée, je n'avais pu imaginer une telle bâtisse. Les couleurs des murs étaient d'un gris presque noir, il y avait un aspect terriblement gothique, médiéval, ce qui est un grand décalage avec le reste des architectures du coin, bien plus porté par le classicisme du XVIIIe siècle. Pour quelle raison cet homme, que l'on disait si riche, n'eut pas l'envie de redonner, même à l'époque du bonheur, un peu de vie au manoir. En constatant cela, j'ai eu une envie curieuse de rencontrer le personnage, je le voyais un peu rabougri, le visage terne, les yeux rempli d'aigreur, et, comme beaucoup d'avare, vêtu d'habits forts peu chers et d'étoffes bon marchés. On pourrait aisément m'accuser de faire la part belle au cliché, ce qui, j'en conviens, pourrait être le cas, mais, quand je découvris cet homme, tout ce que je prédis fut la stricte vérité. A croire que certaines personnes aimeraient donnés toujours raison au cliché. Je dus tirer à plusieurs reprises sur la corde de la cloche avant que la porte ne s'ouvrit. Et monsieur de B... apparût.

S'il y avait un homme qui, par son physique, exprimerait tous les malheurs psychologiques du monde, ce serait monsieur de B... Je tiens à dire, maintenant, être certain que la solitude et les malheurs marquent bien plus un visage que l'alcool et autres paradis artificiels. L'homme avait l'air d'être déjà dans un autre monde. Afin de m'ouvrir, il s'était mis debout, aidé d'une canne et vêtu d'une simple robe de chambre. Mais dés que la porte s'ouvrit, il reprit place sur son fauteuil roulant en répétant à chaque seconde: « Oh j'ai mal ». A vrai dire, je m'étais un peu renseigné sur l'homme avant de venir, et je peux affirmer qu'il faisait bien plus vieux que son âge véritable. Ses yeux, pourtant, gardaient un regard fort haineux, celui qui vous transperce dés la première minute. Mon attitude fut telle que monsieur de B... s'est rendu compte de sa terrible impression sur moi. Cela, vu son sourire, semblait l'amuser. D'un geste de sa main squelettique, il m'invita à avancer. Avant de vous décrire notre conversation, je tiens à décrire le hall d'entrée.

Comme l'impression extérieure, celle de l'intérieur est aussi sombre et malsaine. Les murs sont sombres, on pourrait croire qu'ils sont recouverts de suie. Les tableaux représentaient des scènes de carnages, de batailles ou bien de drames familiaux. L'escalier, large, avait l'air fait de marbre, ainsi que la balustrade. Le carrelage, au recoin de la pièce, était fêlé, quant aux fenêtres, elles étaient poussiéreuses. Il n'y avait rien, absolument rien, d'accueillant. Chose étonnante, il n'y avait pas de trace de lampes électriques, j'aurais cru qu'un homme riche comme lui, aurait eu l'idée de moderniser son logis, ce qui ne semblait être pas le cas. Les rideaux m'impressionnaient également. Ils étaient si épais qu'ils ne laissaient guère entrer la lumière. Mais revenons à ce monsieur de B...

- Que voulez-vous, jeune homme ? me demanda t-il d'une voix ferme et pourtant tremblante.

- Monsieur, je me permets de me présenter à vous car j'ai entendu dire que vous cherchiez un homme à tout faire.

- Je cherche quelqu'un de ce genre, en effet, mais pas un homme à ne rien faire, ce qui semble être votre cas. Avez-vous des références ?

Nullement impressionné par son comportement aigri, je lui fis un rapide aperçu de mon expérience professionnel. Je ne sais pas si monsieur de B... fut vraiment ravi, en tout cas, il me proposa de passer au salon dont la porte était juste à côté de l'escalier. Par réflexe, je lui proposais de l'aider à avancer, mais il me fit un regard tel que mon élan en fut coupé. Nous passâmes, donc, au salon...

Je pense que vous ne seriez guère surpris si je vous disais que le salon avait le même aspect que le hall. Vraiment, monsieur de B... avait un vrai goût pour l'unité. Face à la cheminée aussi large et portant de nombreuses petites sculptures fort bien travaillées, trois divans de style Louis XVI étaient disposés pour former un demi-cercle. Le sol était recouvert d'un parquet qui grinçait. Les murs était couverts d'une peinture vert empire et d'une boiserie assez fine. De chaque côté de la cheminée, de belles rangées de livres. Je savais que monsieur de B... était grand amateur de littérature. Le vieil homme poussa sa chaise vers une petite armoire proche d'une large fenêtre donnant sur le jardin. Il en sortit une bouteille de cognac et servit un verre en tremblant de la main. Vu sa grimace, ce geste lui demandait de grands efforts.

Tout en examinant la pièce, je me rendis compte qu'il n'y avait rien qui le rattachait à sa famille, aucun portrait, aucun buste. L'idée qu'il fut le meurtrier de sa famille me revint, cherchait-il à oublier son crime en ne gardant aucun souvenir ?

- Veuillez prendre votre verre, cher monsieur, dit-il. Moi, je n'ai plus le droit de boire ça.

- Je vous remercie.

Je pris le verre et bus à la santé de mon hôte. Monsieur de B... se porta vers la cheminée. Il avait froid et souhaitait un bon feu. Je m'exécutais sur le champ. Avant de prendre quelques bois, je regardais la cheminée, m'assurant que le trou était bien ouvert, puis j'allumais le feu comme mon père me l'apprit durant ma jeunesse. Le vieil homme semblait apprécier le fait que je ne posais aucune question, il ordonnait, j'exécutais. Bon point.

Le feu prit assez rapidement, et le vieil homme, sans dire un seul mot, s'approcha de la cheminée en tendant ses mains, comme s'il voulait capter la chaleur. Connaissant la réputation du personnage, je m'attendais à ne recevoir aucun remerciement, et pourtant, j'ai eu droit à un « merci » timide mais bien présent.

- Vous savez, dit-il, que mes domestiques sont tous partis. Et je pense que vous savez vous servir de vos yeux. Cette maison a droit à de grands nettoyages. Je ne suis pas certain que vous en viendriez à bout facilement.

- Si je suis payé pour cela, je pourrais le faire.

Cette réponse amusa monsieur de B... Je pense qu'il avait, à ce moment, l'idée de m'embaucher. Il était sur le point d'aborder les terribles rumeurs dont il fut la victime quand quelqu'un frappa à la porte. Prenant l'initiative, j'ai décidé d'aller voir qui c'est. Je compris que mon hôte avait l'air bien étonné, personne n'était prévu, aucun rendez-vous, aucune visite. Avant que je ne dépasse la porte, il se sentit obligé de me dire que s'il s'agit d'un vendeur ambulant, j'avais l'autorisation de le balancer coup de pied au cul.

Je me dirigeais vers la porte sans me douter une seule seconde de la personne que j'allais rencontré. Lorsque j'ouvris, quelle ne fut pas ma surprise de voir le personnage vu sur le bas-côté de la route menant au manoir. Il avait toujours ce visage couvert par la capuche et le bâton tenu droit. Mon premier réflexe était de fermer la porte, étant profondément méfiant. Mais par un pouvoir que je n'ai nullement peur de qualifier de surnaturel, l'homme me paralysa et s'avança dans le hall d'entrée. La voix, toujours aussi aiguë et terrifiante, s'adressa à moi.

- Monsieur est toujours vivant ?

- Oui, tentais-je de répondre.

L'étrange bonhomme, que je pris pour un sorcier, marcha directement vers le salon d'où j'entendais le vieil homme en train de s'impatienter. L'espèce d'ermite pénétra dans la pièce sans dire un seul mot. Craignant à un assassinat, je me précipitais et je vis une horrible chose ! L'ermite se tenait debout face à monsieur de B... A une distance assez respectable. Le vieil homme avait l'air vraiment terrifié, et pour le coup, j'ai bien cru que son coeur allait lâcher. Il tremblait de tous ses membres, son visage devint encore plus pâle. Visiblement, il connaissait son invité surprise. Alors que je m'apprêtais à parler, l'invité se tourna vers moi et d'un geste lent, il fit glisser sa capuche pour faire découvrir sa tête... Un crâne... Un crâne de mort avec quelques morceaux de chair encore collés, ainsi que des cheveux blanc et long éparpillés sur le front. Je ne peux décrire l'horreur qui s'empara de moi, je me mis à genoux, geste non-prémédité, et je fis une sorte de prière. Je voulais sauver ce vieux monsieur d'une punition divine.

- Monsieur, dit le crâne au vieil homme, vous vous souvenez de moi apparemment. Je vous avais dit que je reviendrais, et me voilà. Le grand moment est arrivé, l'heure de la rédemption. Vous avez empoisonné la vie de vos enfants, celui de votre femme, celui de vos proches. A nos yeux, ce sont des actes terrifiants. Mais je sais, moi, que vous avez le coeur sensible et au fond de vous, se cache un homme triste et en colère. C'est pour cela que nous vous accordons la rédemption de vos fautes.

- Soit, finit par dire monsieur de B..., soit.

- Mais ne vous croyez pas, pour autant, sorti d'affaire. Il y a une condition pour que cette rédemption soit accordée.

- Laquelle ?

- Levez-vous, et marcher jusqu'à moi.

- Mais je ne pourrais...

- Votre rédemption est à ce prix.

Pour ma part, outre la peur, un étrange pouvoir m'empêcha de faire quoi que ce soit. Me voilà devenu le spectateur d'un horrible spectacle. Monsieur de B... se lève avec difficulté, tremblant de tous ses membres. Il était à l'article de la mort déjà. Mais je peux vous jurer que son visage exprimait une volonté farouche. Suite à l'horrible condition de cette horrible personnage, monsieur de B... voulait mourir en étant libre, en étant pardonné. Depuis si longtemps, il vivait avec cette idée d'avoir maltraité sa famille, de profonds remords l'avaient rendu froid et fuyant en même temps. Par cette épreuve, il avait conscience que c'était sa dernière chance de mourir en paix, alors il s'exécuta.

Avec douleur, il rampait par terre, il devait atteindre l'un des pieds du démon avec l'une de ses mains. Durant tout le trajet, le vieil homme souffrait le martyr et je sentais le plaisir sadique du démon. Les larmes aux yeux, je suppliais le terrifiant personnage d'épargner monsieur de B... Mais rien ne se fit. Il continuait à regarder le pauvre homme qui rampait. Son coeur, à tout moment, pouvait lâcher. Je pouvais deviner que du sang sortait de sa bouche, sa tête, à terre, était tourné vers moi, jamais je n'oublierais ce regard. C'était la première fois que je contemplais les yeux d'un homme qui allait mourir. Il pleurait, autant par douleur que par tristesse et continua son effort jusqu'au démon... Mais au moment de toucher l'un des pieds du démon, le vieil homme expira. C'était fini.

Le démon se pencha vers monsieur de B... et éclata de rire. Puis il se tourna vers moi et me prit à témoin. Monsieur de B... ne sera pas pardonné. Enfin, il fit demi-tour sans rajouter un mot et disparu dans les ténèbres. Je me suis retrouvé seul avec un cadavre qui, j'en suis certain encore aujourd'hui, pleurait encore.

Sans attendre, et malgré l'horrible chose que je venais de voir, je pris la fuite, sans rien dire à ma femme qu'un simple mensonge. Les autorités, telles que je l'ai lu dans la presse, avait conclu à une crise cardiaque. Personne n'était là le jour de son enterrement, quant à moi, j'avais trop peur de croiser le démon.

Voilà mon histoire, cela m'a fait du bien de me confier, je sais que beaucoup me considèrera comme fou, mais c'est bien la triste et horrible vérité. Mais au moment où j'écris ces lignes, dans le petit salon de ma maison, je vois... Je crois voir ce démon, à la fenêtre donnant sur le jardin, il me contemple et il rit encore de sa petite blague...

 

 

FIN

tous droits réservés à Alexandre Bensi

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